La "Boring Company" d'Elon Musk est-elle l'avenir du creusement de tunnels ou juste un phénomène de mode ?

La Boring Co. d'Elon Musk fait la une des journaux comme étant la prochaine grande technologie de ville intelligente, offrant de transformer le visage du transport urbain en le plaçant tout simplement sous terre. La série de réseaux de tunnels superposés proposée par Musk, qui vous transportera à travers la ville, le pays et le continent sur des plates-formes "skate" ou grâce à son nouveau système de transport électrique "Hyperloop", peut sembler relever de la science-fiction. Mais The Boring Co. a déjà conclu des accords avec des villes réelles. En mai 2018, Musk a annoncé un partenariat avec LA metro pour son réseau de tunnels. Le conseil municipal de Los Angeles a même soutenu l'exemption d' une étude d'impact environnemental afin d'aider à accélérer le début du forage du tunnel d'essai de 2,7 miles sous le côté ouest de la ville. Ensuite, la société demande l'autorisation de creuser un tunnel de "preuve de concept" de 6,5 miles sous Los Angeles, où seront testés tous les systèmes et équipements nécessaires aux systèmes de transport, ainsi que les processus de construction du tunnel.

The Boring Co. est également en pourparlers avec le gouvernement américain et d'autres conseils municipaux au sujet d'éventuels projets à Chicago et d'une route qui pourrait un jour relier New York et Washington. Une fois construits, les tunnels serviront de routes souterraines où des plates-formes électriques autonomes "à patins", descendues de la rue par des ascenseurs, circuleront à une vitesse de 120 miles par heure ou plus, transportant des voitures ou des "modules de transport de passagers". Les tunnels de longue distance reliant les villes utiliseront des trains tubulaires Hyperloop, qui se déplaceront à des vitesses supérieures à 600 mph.

Un tunnelier, également connu sous le nom de taupe (photo reproduite avec l'aimable autorisation de The Boring Company).

Une révolution dans les transports et les tunnels ?

Les tunnels souterrains de Musk, combinés à l'option de transport qu'il propose, ont un grand potentiel pour résoudre ce qu'il appelle le "trafic qui détruit l'âme". Ils sont censés retirer les voitures des rues sans modifier le paysage urbain en surface, réduisant ainsi les embouteillages et la pollution de l'air. L'innovation et la réduction spectaculaire des coûts des tunneliers, facilitées par The Boring Co., pourraient également révolutionner le creusement de tunnels tel que nous le connaissons, en permettant de construire beaucoup plus facilement et surtout rapidement des tunnels pour les systèmes de transport en commun rapide à grand débit. Si la technologie n'est pas encore tout à fait au point, elle pourrait l'être dans quelques années - l'essai de validation de concept de Los Angeles pourrait bien prouver son potentiel. Toutefois, de réelles questions subsistent, non seulement sur la possibilité ou la sécurité de l'idée de Musk, mais aussi, et c'est peut-être le plus important, sur la volonté réelle des gens de l'adopter.

Coûts élevés

Le premier problème est qu'il est incroyablement coûteux. Le développement de la technologie ne sera pas bon marché - The Boring Co. a levé près de 113 millions de dollars, dont 100 millions environ de Musk - pour mettre en œuvre ses projets. Et puis, il y a la question de savoir qui paiera ces projets de "transports publics" : les citoyens eux-mêmes ou The Boring Co. Avec les coupes actuelles dans le financement des collectivités locales en Amérique et ailleurs, de nombreuses autorités locales auront du mal à trouver les fonds nécessaires pour investir dans ce que beaucoup considèrent comme un projet de vanité. En outre, combien coûtera l'utilisation de ces tunnels ? Musk affirme qu'ils seront abordables - mais cela n'est en aucun cas garanti étant donné l'investissement initial requis.

Défis techniques

Il existe également d'importants défis techniques. Le concept d'"ascenseurs de voiture" sur des "patins" s'accompagne de nombreux défis techniques, tels que la fiabilité et la sécurité de l'ascenseur, les temps de chargement et de déchargement, et le nombre de zones dédiées dans une ville dont vous auriez besoin pour réaliser ce projet à grande échelle. Par exemple, The Boring Co. n'a pas encore abordé la question de la mécanique des points d'entrée et de sortie en surface au-dessus du tunnel. Les rampes qu'ils ont suggérées pourraient très facilement provoquer des embouteillages - et que dire des problèmes de santé et de sécurité liés à la présence de trous béants au milieu de la route ?

Questions de sécurité

Les questions de sécurité sont celles qui semblent le plus ressortir des idées de The Boring Co. Musk affirme qu'il peut construire des tunnels destinés au transport plus rapidement et à moindre coût que la technologie actuelle, mais c'est principalement parce que ses machines les foreront à environ la moitié du diamètre des tunnels de métro actuels. Cela présente d'énormes risques pour la sécurité : la réglementation stipule que les tunnels doivent avoir un diamètre d'au moins 21,5 pieds afin de laisser suffisamment d'espace (3 mètres) pour que les personnes puissent sortir du véhicule en cas d'urgence. Musk n'a pas expliqué comment il s'assurera que ses tunnels beaucoup plus petits respectent les règles de sécurité et ne mettent pas la vie des gens en danger.

Nager en amont

La Boring Co. proposait à l'origine des tunnels pour véhicules personnels et Musk, résident de Los Angeles et fondateur d'une entreprise de véhicules privés, Tesla, semble toujours avoir une vision orientée vers les véhicules privés. Cependant, la plupart des politiques d'urbanisme s'orientent vers la fin de l'utilisation des véhicules privés et encouragent une plus grande utilisation des transports publics et un mode de vie plus extérieur - il est désormais largement admis que plus la capacité des voitures est importante, plus les embouteillages sont nombreux. Bien que Musk ait récemment modifié son plan et précise désormais que The Boring Co. s'attachera à offrir un service de transport en commun aux piétons et aux cyclistes, cela nécessite le type de véhicules de masse qui ne seraient actuellement pas sûrs dans ses tunnels.

Absence d'engagement ou de consensus au sein de la communauté

Le problème le plus pressant avec la proposition de Musk est peut-être que rien ne prouve jusqu'à présent que les gens veulent ces tunnels. La plupart des études sociologiques concluent que les gens aiment vivre dans des villes où ils peuvent accéder facilement aux services à pied ou à vélo, où les services de transport public sont rapides, complets et bien desservis, et où le trafic et la pollution atmosphérique sont minimes. Bien que les systèmes de métro fassent partie intégrante de nombreuses grandes villes dans le monde, qui dit que les gens seraient heureux de se déplacer régulièrement dans la ville à travers des tunnels minuscules et inéluctables dans des nacelles individuelles ou à plusieurs personnes ? Cette question nous amène à la conclusion que Musk ne cherche pas à suivre un modèle de recherche et de conception inclusif et centré sur l'utilisateur - de plus en plus considéré comme le seul moyen de créer des produits physiques ou des politiques urbaines réellement pertinents pour les habitants des villes.

Son idée part du principe que nous devons essayer une solution à la congestion - et une solution qui apaise le désir de véhicules privés - sans prendre le temps de demander à tous les habitants d'une ville ce qu'ils souhaitent. Elle semble également contourner les tendances dominantes issues des études urbaines, des transports et de la recherche sociologique/anthropologique.

Sa nouvelle proposition de transport ne tient pas compte non plus des préoccupations et des désirs individuels des différents groupes sociaux - en particulier ceux qui sont marginalisés ou vulnérables. Par exemple, les femmes peuvent se sentir mal à l'aise à l'idée d'être confinées dans un véhicule autonome - qu'il soit souterrain ou aérien - contrôlé par un ordinateur central ou même potentiellement par un opérateur masculin. Les personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés peuvent être préoccupées par le fait de ne pas pouvoir s'offrir cette option de transport, ou par l'emplacement des stations, les quartiers défavorisés étant si souvent négligés lorsqu'il s'agit du développement des transports en commun.